Du 5 octobre 2024 Au 22 décembre 2024
Fondation du doute
Depuis 2022, le Centre des livres d'artistes présente régulièrement, au cœur même de l'exposition permanente, des accrochages temporaires à partir de leur propre collection. Jusqu'au 22 décembre, découvrez l'aventure photographique d'Edmund Kuppel.
En 1974, Edmund Kuppel entame une série photographique autour des grandes photographies murales qui habillent les bistrots parisiens.
De ces paysages de province rapportés qui peuplent l’intérieur des cafetiers, Edmund Kuppel imagine l'aventure du photographe fictif, Ferdinand von Blumenfeld.
Cette aventure sera ponctuée par la parution de Histoires du Photographe des Bistrots en 1993, des Tableaux topographiques 1 et 2 en 2003, et de Voyages et excursions du Photographe des Bistrots en 2008, dernière publication à découvrir dans les vitrines de l’exposition permanente.
Edmund Kuppel, "Voyages et excursions du Photographe des Bistrots, éditions du Centre des livres d'artistes, 2008
Photographe-bricoleur, jouant des artifices et dispositifs, Edmund Kuppel est un des pionniers de l’art-média en ce qu’il ne cesse de sonder la vérité des images, d’interroger la vraisemblance de nos perceptions.
Son œuvre rassemble en effet livres, films, installations vidéo, outils de prise de vues...
Autant de machines à voir – les Bildwerfer comme il les appelle, sortes de lanternes magiques qui convoquent une certaine archéologie de l’image animée.
Toutes sont des constructions physiques, visuelles et intellectuelles dont l’élaboration nécessite mécanismes et protocoles. Des procédés au sein desquels trouve parfois à se glisser un artifice. Mais un artifice toujours visible et assumé, partie intégrante de l’œuvre.
L’aventure du Photographe des Bistrots est à cet égard exemplaire.
Débutée en 1974, la série comporte très vite plusieurs centaines d’images et connaîtra des configurations variées, de l’installation au film en passant par la publication.
Occupant la totalité du cadre, les images de paysages aux murs des bistrots sont photographiées à l’aide d’un outil de prise de vue fabriqué par l’artiste : maintenu par deux bras, légèrement décalé par rapport à l’objectif, un miroir est placé à l’avant de l’appareil photo. Ce dispositif permet à Edmund Kuppel de fixer sur la pellicule, dans le temps d’une seule prise, deux images : une image principale et frontale – le paysage au mur –, et une seconde image – une partie de la salle du café reflétée par le miroir-rétroviseur.
La première image se trouve alors comme trouée par la seconde qui fait à la fois figure d’insert et de paradoxal arrière-plan.
Par ce dispositif, le photographe capture et propose à deux temporalités différentes d’occuper un même cadre.
Le dispositif-artifice est visible par la découpe du miroir-rétroviseur et vient questionner le spectateur. Quel temps est en vérité documenté ? Celui du paysage ou bien plutôt celui du bistrot ?
Le personnage inventé de Ferdinand von Blumenfeld, photographe de son état, «double» de Edmund Kuppel, vient parfaire le trouble. Organisées et associées à de courts textes écrits à la première personne, ces photographies prennent soudain l’allure d’un album de voyage.
Le caractère documentaire de la photographie ne s'en trouve pas nié pour autant, mais il se double d’une interrogation quant à ce qu’elle documente. Est-ce le réel ou tout autrement les conditions de possibilité de l'image-même ?
Fondation du doute - Ben & Fluxus collection
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